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sarahlee.over-blog.com

Mon défi, écrire chaque jour

Marseille

Il fait nuit. Je marche sous la pluie. Seule. Je suis descendue du bus à l'angle du boulevard Kennedy et de la rue Pasteur. J' ai suivi les indications marquées sur la lettre. 21H. Je regarde ma montre. Je suis dans les temps. Les lampadaires éclairent très faiblement les trottoirs. Le vent violent a renversé les poubelles. Les flaques d'eau brillent. Au loin, j'entends un train. Je m'approche de la gare. Mon sac à dos pèse lourdement sur mes épaules. J'ai du me préparer en hâte. Il y a le livre. Ton livre. Toute notre vie en trois cent vingt et une pages. Sauf la fin.

Je suis partie sans dire au revoir. Sans un mot. J'ai pris ma carte d'identité, mon portable, ma carte bleue, quelques photos, de quoi me changer une fois, le strict nécessaire, presque rien. C'est parfait. Je n'ai besoin de rien. Rien si ce n'est comprendre comment j'en suis arrivée là.

Etait-ce prévu depuis ma naissance ? Depuis le collège, le lycée la fac ? Depuis mon métier ? Depuis toujours ? Est ce que les choses auraient pu se passer autrement ou tout était il déjà écrit dans le livre ?

Nous sommes en 2016.

Je lève la tête. Il fait jour. Le soleil brille haut dans le ciel, juste quelques feuilles éparpillées sur les trottoirs annonciatrices de l'automne. C'est la sortie des écoles. Des cris d'enfants. Piétons et voitures se croisent et se dépassent. Une maman réconforte sa petite fille. Un garçon marche les yeux rivés sur son portable. Un bus démarre. La vie s'étire, s'étend, respire, soupire, rit et pleure, rêve et espère ou pas.

Je me hâte.

Je marche, encore et encore. Les bruits de la ville s'estompent. Un sentier sur les crêtes. Les pins maritimes et les parfums du romarin et du thym chatouillent délicieusement mes narines. Quelques cigales me saluent. Une mouette plane silencieusement dans l'immensité bleue. J'ai rendez-vous, là bas, dans le café retiré au fond de l'impasse fleurie. Mon café. Ma boutique. Mon espace. Mon petit coin de paradis sur terre . Elle est belle notre calanque, secrètement abritée des regards, offertes au doux ressac des vagues. Elle m'attend. Je suis enfin libre. Je suis là où j'ai toujours voulu être, tout près de l'eau qui m'est aussi nécessaire que l'oxygène, héritage si présent de nos ancêtres marins et preuve éclatante de l'existence du peuple des sirènes.

Je n'en suis pas une, même si ces dernières semblent resurgir des abîmes infinis pour nager dans quelques piscines marseillaises. Juste une sensation juste, indispensable à ma respiration, l'eau, sous toutes ses formes, des lacs glacée et vertigineux des montagnes, au tumulte des fleuves et des cataractes, des rivières paisibles et transparentes aux labyrinthes des bayous envoûtants, des pluies fines aux tempêtes tropicales diluviennes, l'eau, de mes larmes de tristesse et de rires.

Qu'il est bon d'être là où sont nos racines, notre terreau, notre nourriture terrestre et spirituelle. Là où est notre juste place, sans doutes et sans regrets.

Je suis éblouie par tant de beauté, toutes ces couleurs vivres et changeantes, ces embruns salés qui piquent légèrement la peau, la fraîcheur du vent qui tempère les fortes chaleurs exhalées par la terre et les rochers escarpés.

Le cabanon est devant moi. Un tourbillon de bleu et de rouge. Une toile peinte jour après jour, nuit après nuit. Un havre de paix et de tolérance. Quelques points de suspension dans le passage du temps et des promeneurs audacieux. Une fenêtre est légèrement entrouverte, passage secret pour un jeune chat noir et blanc, qui régulièrement prend ses quartiers sur la plus haute étagère libre de livres. Sur la terrasse quelques bancs et fauteuils tressés vert acidulé et rose fuschia sont délicatement posés entre les jasmins blancs libérant leurs parfums sucrés ensorcelants, émissaires des rivages turquoise d'une méditerranée ouverte sur l'occident et l'orient.

Plus qu'une centaine de pas et je serai au cœur de mon univers, face à la mer, perchée au dessus de l'étroit port où sont amarrés les barques de Marseille, perles multicolores dansant à la surface de l'eau. C'est l'unique crique classée réserve naturelle. Accessible aux seuls marcheurs courageux depuis la côte et aux petits gréements autorisés à quitter les grands fonds et à jeter l'ancre à plus d'un mile de la terre.

Elle ne figure pas sur les cartes des chemins de randonnée. C'est un sanctuaire pour la faune marine et un refuge pour les oiseaux migrateurs qui y font escale lors des grands changements de saisons .

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